Auteur : Nayla Cherrino Parra, vétérinaire orientée en médecine naturelle, pour REINFOSANTÉ
Date : 09/05/21
Temps de lecture : 20 minutes
Pour aller plus loin : Vivre et résoudre ses émotions – partie 2 (pratique)


Qu’est-ce qu’une émotion ?

Les émotions sont naturelles, elles sont là pour nous avertir si un événement est bon ou non pour nous. C’est notre système de guidage. Quand une situation est bonne et qu’elle déclenche une émotion agréable, nous avons le sourire. Nous ressentons une détente physique, une sensation de légèreté dans tout le corps. Nous interprétons ces sensations physiques agréables en les nommant joie, plaisir, bonheur. Au contraire, quand un événement n’est pas bon et qu’il déclenche un inconfort, une émotion désagréable, notre corps réagit. Nous avons, par exemple, une accélération cardiaque, une oppression dans la poitrine, une boule dans le ventre, la gorge, une lourdeur dans le corps, une contraction musculaire, des sensations douloureuses, etc. Nous interprétons ces sensations physiques désagréables en les nommant colère/contrariété, tristesse/peine, etc. Donc, avant tout, l’inconfort se manifeste par un ensemble de sensations physiques dont résulte l’émotion désagréable.

Pourquoi réguler une émotion ?

Une personne qui côtoie des animaux ne met pas longtemps à observer que ceux-ci réagissent de diverses manières. C’est selon l’état d’esprit dans lequel elle les aborde. Je pose régulièrement la question suivante : « Que se passe-t-il quand vous êtes en colère dans la salle de traite ? Même si vous avez, avant de rentrer, essayé de vous calmer ! » Les réponses sont unanimes : « Les vaches bousent plus, elles sont plus nerveuses et peuvent se décrocher ou retenir leur lait. ». Alors qu’il est facile de cacher ses états internes à un congénère, en usant du code de communication humain – le fameux « ça va » – il semble impossible de « mentir » à une vache ou à tout autre animal que nous approchons. Celui-ci percevra notre stress et le manifestera d’une manière ou d’une autre.

La médecine chinoise, médecine de l’observation datant de plus de 3000 ans, a bien noté
que toutes émotions non exprimées, s’imprimaient en nous et dans nos organes, chaque
organe étant le réceptacle d’une émotion particulière. Par exemple, le foie est le réceptacle
de la colère dans ses différentes intensités (du simple agacement à la rage furieuse). Plus récemment (vers – 400 av JC), Hippocrate affirmait que la santé était une question d’équilibre entre épanouissement/ bien-être et dysfonction/mal-être. Il imageait son propos en faisant référence aux plateaux d’une balance . Je vous pose alors la question : où pensez-vous que s’inscrivent les émotions désagréables ? Et oui, dans le plateau dysfonction/ mal-être.

Pour bien comprendre

Prenons l’exemple d’une personne qui a peur des souris. La vue de la souris est l’occasion de réveiller la peur qui est en elle. Ce n’est pas la souris qui, en passant, jette la peur dans la personne. La souris n’est pas responsable de cette peur, elle en est le révélateur. Il en est de même quand l’autre réveille en nous colère, agacement, sentiment d’impuissance, tristesse, etc. Dans cette situation, nous sommes à la recherche d’un responsable de notre propre état émotionnel. Nous l’exprimons en disant : « TU m’agaces, plutôt que JE suis agacé par ». Or, cette émotion est en nous et l’autre n’en est que le révélateur. C’est la raison pour laquelle il est important de savoir libérer nos émotions. Ainsi, nous passons d’une communication réactionnelle/émotionnelle à une communication relationnelle.

Voilà différentes raisons pour lesquelles réguler une émotion désagréable est important. Précision importante, s’occuper de nos réactions émotionnelles permet de gagner en sérénité. Cela ne nous rend pas indifférent aux autres mais serein. Autre précision, une personne ou un animal ne fait pas exprès de déclencher une émotion, étant donné que le signal, comme nous allons le voir, provient du cerveau de l’instinct. Les émotions n’ont rien à voir avec l’intelligence.

D’où viennent nos émotions ?

Quand on vit un événement qui réveille une émotion en nous, que ce soit une émotion agréable ou non, quel est le premier organe activé ? Si vous répondez : « le cœur », non, c’est le deuxième, alors le ventre? Non, c’est toujours le second. La respiration ? Non, toujours le deuxième organe. Nous donnons comme réponse à ce que nous ressentons, les manifestations physiques qui nous poussent, en les réunissant, à les résumer en termes d’émotion. Mais, le premier « organe » qui s’active pour générer cette chaîne sensations/émotion, est bien le cerveau.

Maintenant, quelle partie du cerveau est activée ? Le cerveau des émotions est le cerveau limbique. Par contre, dans une situation où nous percevons un danger, c’est le cerveau reptilien. Il est le plus réactif et lance le processus émotionnel. Le cerveau reptilien, comme son nom l’indique, est apparu avec les reptiles. C’est le cerveau de l’instinct de survie, programmé depuis la nuit des temps pour nous avertir
qu’une situation met notre vie en danger, afin que nous puissions sauver notre peau dans les
meilleurs délais.

L’instinct de survie

Voyons comment le cerveau reptilien s’y prend dans sa fonction primaire instinct de survie pour nous permettre de percevoir et d’utiliser notre Capacité Naturelle à Réguler nos Émotions (CNRE). Quand un individu vit un événement qui le met en danger, son cerveau reptilien est activé. Ce dernier envoie une décharge qui permet d’avoir trois types de réactions différentes pour sauver sa peau :

  • La fuite : accélération cardiaque, contraction musculaire au niveau des jambes, échauffement de la température corporelle,
  • L’attaque : accélération cardiaque, contraction musculaire du haut du corps, tension et durcissement générale du corps (pour ce type de réaction, il faut que l’individu soit équipé pour le faire, par exemple, une gazelle face à un lion qui l’attaque est vouée à l’échec),
  • Ou, la sidération/faire le mort : décélération cardiaque, chute de la température corporelle, mollesse de tout le corps.


Dès que le cerveau reptilien est « informé » d’un danger, il s’active (réaction de survie) et déclenche aussitôt en retour les médiateurs idoines pour que l’organisme se régule et retrouve son équilibre dès que l’individu est en sécurité. Je reprends l’exemple de la gazelle. Soit elle fuit et parvient à se sauvegarder de son prédateur. Dès lors qu’elle est en sécurité, elle s’apaise et reprend son rythme de vie normal. Soit elle fait la morte (sidération), en attendant de pouvoir fausser compagnie à son
prédateur. Elle se relève et s’échappe. Retour à la sécurité, apaisement. (La gazelle n’a malheureusement pas la troisième option, le combat, car dans la chaîne alimentaire, elle est
une proie.) Voilà le fonctionnement du cerveau reptilien dans sa fonction première instinct de survie et il n’a qu’une façon de fonctionner.

Reprenons

Quand on vit une situation qui génère une émotion, notre cerveau reptilien est activé. Nous pouvons alors le comparer à notre chien de garde « notre Brutus », qui se met à aboyer (émotion désagréable) ou à remuer de la queue (émotion agréable), pour nous avertir qu’un événement est bon ou non pour nous. Notre cerveau reptilien envoie une décharge qui fait que nous ressentons des sensations physiques (comment « Brutus » aboie/remue de la queue en nous) dont nous faisons le bilan pour nommer l’émotion et, directement, le cerveau reptilien envoie les neurotransmetteurs pour que l’organisme se régule et revienne à la normale en moins de 3 minutes.

Dans de nombreuses situations, tout se passe automatiquement sans que nous ayons à intervenir car cette CNRE est une fonction naturelle, mais quand celle-ci bloque (émotion trop forte, situation non propice), nous allons devoir intervenir pour relancer le processus et se libérer définitivement de l’émotion désagréable. Comment apprenons-nous à bloquer notre CNRE ? Dès le plus jeune âge, quand un enfant pleure, les parents, croyant bien faire (donc par méconnaissance de la CNRE), demandent à l’enfant d’arrêter de pleurer et minimisent la raison de son mal-être. Ne supportant pas eux-mêmes la situation, ils bloquent leur capacité naturelle de régulation et celle de l’enfant.

Comment réguler une émotion ?

La résolution émotionnelle consiste à observer, en zone de sécurité, comment une émotion se manifeste physiquement en nous, sans jugement, sans blâme ni reproche, puis à la laisser cheminer pour qu’elle prenne sa place et ne nous envahisse plus. La simple observation des signes physiques ressentis (comment « Brutus » aboie), au moment même où nous vivons une situation désagréable, va permettre de s’en affranchir. Mais nous pouvons également décider, a posteriori, de revivre au calme la situation qui nous pose problème, car le temps de réaction à une émotion est de l’ordre de 1/10ème de
seconde. Nous sommes donc rapidement dans la réaction, et non dans la résolution de l’émotion qui nécessite d’être en sécurité. Ainsi, des émotions comme la peur, l’anxiété, la colère, l’agacement, etc., peuvent disparaître assez simplement. En se remettant dans la situation donnée (accident, parole blessante, vue d’une souris, etc.), le fait d’observer uniquement notre ressenti purement physique (mon cœur bat plus vite, ma gorge se serre, etc.), sans conceptualiser la sensation (ne pas dire « j’ai peur », « je lui en veux »), juste observer ce qu’y se passe dans le corps : « c’est où et comment dans mon corps ? » va permettre de faire cheminer la/les sensation(s) physique(s) puis l’émotion associée à tel type de situation va prendre sa place.

Mon point de vue

C’est la difficulté majeure, car nous voulons toujours faire quelque chose. Je m’explique : lorsque nous sommes tristes et que l’une des manifestations de cette tristesse sont les pleurs, nous avons tendance à prendre un mouchoir pour les essuyer. Pour résoudre l’émotion grâce à notre CNRE, nous observons que nous avons les yeux mouillés, mais nous ne prenons pas de mouchoir. Nous devons également observer toutes les autres manifestations physiques liées à cette émotion (chaud/froid, douleur brûlante/piquante/élançante, sensation de nœud ou de boule, tremblement, lourdeur/vide) et où elles se situent (gorge, plexus, tête, bras, estomac, etc.).

À partir du moment où nous sommes dans notre physique, en passant parfois par une intensification des manifestations (« Brutus » aboie plus fort), de façon transitoire (10 à 30 sec.) ou en se déplaçant, ces sensations se transforment puis s’apaisent naturellement en maximum 3 minutes. Parfois, cette transformation peut être très rapide et apparaître en une à quelques secondes. Quand cette transformation s’est faite, sans avoir interagi avec le physique, ni avoir commencé par mettre l’émotion à distance par la respiration par exemple, elle prend sa place. Si nous nous retrouvons dans une situation similaire, nous ne ressentons plus de sensations physiques désagréables, nous pouvons considérer alors que l’émotion ne nous envahit plus. Quand nous avons donné la parole à « Brutus » et que nous l’avons laissé aboyer sans mettre de muselière, la fois suivante « Brutus » reste tranquille, car il a pu donner son avertissement.

Vous l’avez compris, cette technique est simple et en même temps complexe. Pourquoi cette technique est-elle complexe ? Pour l’instant, nous n’avons pas l’habitude de laisser évoluer, en observant, les sensations sans interagir sur les sensations. Au contraire, nous avons appris à essayer de contrôler, gérer, maîtriser nos émotions ce qui fait que, involon-tairement/inconsciemment, par apprentissage, nous bloquons notre CNRE.

Rappel de quelques moyens pour bloquer notre CNRE :

  • Respirer en conscience pour maîtriser l’émotion,
  • Contrôler une des manifestations physiques,
  • Focaliser sur une des sensations physiques plutôt que d’observer toutes les sensations,
  • Se sentir en insécurité ou attendu. Se sentir en sécurité est indispensable pour ressentir l’apaisement.


La zone de sécurité peut nécessiter ou non de s’isoler ou de sortir de la pièce. Par exemple, quand l’émotion est réveillée par l’attitude ou les paroles d’une personne, il est nécessaire alors de dire : « J’ai besoin d’aller dehors ou aux toilettes » et suivant le cas, nous pouvons spécifier ou non que c’est pour résoudre l’émotion que la situation réveille en nous. Autre exemple que j’ai moi-même vécu pour résoudre l’agacement d’attendre à la caisse des magasins, je l’ai fait en direct un jour de grande influence. Derrière mon caddie, je me sentais suffisamment en sécurité pour fermer les yeux et observer comment l’agacement se manifestait en moi, j’ai laissé évoluer les sensations physiques liées à l’agacement. Tout s’est apaisé en un rien de temps. Par contre, quand la personne ne se sent pas en sécurité, l’apaisement n’apparaît pas.

Exemple

J’ai une amie qui m’appelle car elle ne comprenait pas pourquoi elle n’avait pas réussi à résoudre en direct, alors qu’elle avait une crise d’angoisse en voiture. Elle s’est garée puis elle a fermé les yeux, observée les sensations physiques liées à l’angoisse et plus elle laissait évoluer ces sensations physiques plus elle se sentait angoissée. Elle a fini par appeler les pompiers et dès qu’ils sont arrivés, elle se sentait mieux, d’autant plus que tous les paramètres mesurables étaient bons. Quand elle m’a appelée, la première question que je lui ai demandé est de me dire si elle se sentait en sécurité seule dans sa voiture. La réponse fût négative. Donc là, en direct, seule dans sa voiture, elle n’a pas pu faire la séance, nous l’avons donc faite en différé et depuis, elle conduit sans souci.

Même si la CNRE est la même chez les humains que chez les animaux, car nous sommes tous équipés d’un cerveau reptilien, la manière d’y accéder est différente. Consignes à appliquer pour faire des séances de résolution émotionnelle selon les circonstances.

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Bibliographie

  • Revivre sensoriellement, Luc Nicon, Édition Émotion forte
  • Guide pas à pas pour en finir avec nos émotions indésirables, co-écrit par Olivier Hibon et Francis Fraisse, disponible gratuitement en format pdf via l’onglet Article Tipi sur mon site : les9fontaines.eu
  • Vidéo explicative, Tipi appliqué aux animaux : https://www.youtube.com/watch?v=lvZZnjWJiEM