Auteur : Florent Majoullier, ostéopathe D.O, pour REINFOSANTÉ
Date : 09/05/21
Temps de lecture : 5 minutes


« Inspirez… Soufflez… »

Voilà deux impératifs qui ne laissent, a priori, point de choix. Comment pourrait-il en être autrement ? Et qui peut prétendre ne jamais les avoir entendus ? De la part d’un proche, d’un collègue de bureau, d’un professionnel de la santé, d’un yogi ou autre personnage tentant de vous recentrer sur deux actions si ordinaires qu’elles semblent faire partie de la matière elle-même. Sorte d’interjection du vivant dans une succession, au demeurant linéaire, continue, quasi logique et imparable.

Respirer est notre quotidien

C’est, dans un certain sens, s’être installé(e) depuis notre naissance dans une répétition singulière, de l’ordre de la seconde, ne laissant place à l’arrêt ou à la paresse. Que ce soit pour les mammifères, les aves [1], les reptiles ou même encore les bactéries ou autres organismes n’utilisant point d’oxygène [2], respirer est, selon la conscience populaire, synonyme de vie et de mouvement. Si bien que la respiration est, selon Rainer Maria Rilke [3], « le berceau du rythme ». Un va et vient continuel qui s’entend, se perçoit, se ressent et se transmet par-delà les frontières des corps.

Et, il ne faut point s’y tromper : la respiration est un vaste sujet dont les multiples dimensions participent à une compréhension holistique et globale de la vie. Celle de l’être humain, cet obscur « roseau pensant », n’y échappe point. En ce sens, à travers ses contributions, le pôle RESPIRATION souhaite établir – si possible – un cœur sémantique à partir duquel une multitude de chemins pourront être empruntés suivant les humeurs et la volonté de chacun(e).

Maintenant, ne vous reste-t-il, peut-être, à prendre une grande inspiration et, à l’instar de Victor Hugo, vous sentir « pousser d’un souffle impétueux, d’un destin insensé [4] » !

Etymologiquement

Le verbe respirer est issu du latin respirare. Il signifie « respirer, reprendre haleine, exhaler [5] ». De ce fait, respirer n’est pas seulement « attirer de l’air dans sa poitrine et le rejeter [6] » ou « fixer l’oxygène de l’air et dégager du gaz carbonique [7] », c’est aussi reprendre son souffle ou sa respiration. Souffler. Mais également, « émettre ou dégager des odeurs et des vapeurs [7] » – ainsi, avoir une mauvaise haleine, c’est étymologiquement avoir un mauvais souffle.

Respirer c’est…

Respirer c’est aussi « se manifester », « être vivant [8] ». Combien de scènes de films avons-nous pu voir où des soignants, penchant la tête contre une personne inanimée, afin d’y sentir le souffle, entament un massage cardiaque en s’écriant « respire, respire ! ». En ce sens, respirer c’est autant « reprendre vie [9] » – pas seulement après avoir perdu connaissance – que de « reprendre vie après avoir supporté quelque chose de douloureux ». C’est, de même, « se reprendre, avoir du répit, se remettre et se reposer [10] ». Qui ne s’est jamais exclamé, après un stress intense « ça y est, je respire ; je peux enfin respirer ! ».

Et, respirer prend également le chemin de la spontanéité et du naturel lorsqu’on « respire le bonheur ». Ressenti qui s’accompagne souvent – si ce n’est tout le temps – de ce soupir de satisfaction qui lui est propre. Soupir dont une partie de l’étymologie signifie bien « respirer profondément [11] ».

Enfin, respirer c’est mettre en lumière le rythme d’une alternance entre inspiration et expiration, montée et descente, vide et plénitude, etc… Telle une symphonie de Beethoven qui respire et transporte le public au gré des notes et des accords. Respirer c’est trahir, en quelque sorte, aux yeux de tous, son propre rythme de vie. A moins, peut-être, que notre propension à créer et à nous cacher éternellement derrière des masques, ferait de nous des êtres qui « mentent comme ils respirent [12] » !

Les enjeux de la respiration 

Si les enjeux de la respiration sont nombreux et d’une importance certaine, c’est que celle-ci ne se limite point aux simples et nécessaires besoins vitaux. Ce serait là la réduire à une machinerie – certes formidable – qui ne laisse place à la spontanéité et à la création d’un renouvellement perpétuel. Respirer, c’est autant engendrer du renouveau que continuellement transformer l’environnement et transmettre. Transmettre de l’air, bien entendu, mais également un profond mouvement, une empreinte, autant physique que psychique. C’est insuffler une inspiration consciente et inconsciente. Elle se transporte dans les méandres du temps de la vie intra et extra corporelle. Bien qu’éphémère, la respiration s’inscrit dans le temps et la durée d’une incroyable histoire. Si bien que si vivre c’est respirer, il est légitime de se demander si respirer c’est être.

En ce sens, il n’est pas étonnant de constater que de la respiration nous puissions en venir à des considérations scientifiques [13], politiques [14], économiques [15], sociales [16], philosophiques [17], éthiques [18], etc… qui ne feront que participer à dessiner des horizons des plus vastes possibles.

Quoiqu’il en soit, l’immense succès et engouement d’un nombre croissant d’activités portées sur la respiration, dans nos sociétés « modernes » n’est point surprenant – voir alarmant. On pourrait citer, entre autres, l’activité physique, la méditation, le yoga, le Tai Qi, Le Pilates. Ou encore, la respiration consciente, les thérapies psychologiques et manuelles, la sophrologie, etc…


Références

[1] Famille des oiseaux
[2] Respiration anaérobie
[3] Ecrivain et poète autrichien (1875 – 1926)
[4] Hernani, acte III, scène 2
[5] www.cnrtl.fr
[6] Ibid
[7] Ibid
[8] Ibid
[9] Ibid
[10] Ibid
[11] Ibid
[12] Ibid
[13] Ex : affectation du système respiratoire par un virus.
[14] Ex : impact des décisions politiques.
[15] Ex : rôle du néo-libertarisme sur la pollution atmosphérique.
[16] Ex : retentissement d’une mauvaise respiration sur notre sociabilisation et vie en société.
[17] Ex : sur le souffle.
[18] Ex : responsabilisation, droits et devoirs.